Lutin d’Isigny, ce Normand qui a conquis l’Amérique

Dans notre série consacrée aux chevaux de légende, j’ai choisi de vous parler cette semaine de Lutin d’Isigny, un formidable trotteur qui a obtenu les plus belles victoires, et pas seulement sur notre sol français.
Déjà, son nom. Il le doit à son lieu de naissance, tout proche d’Isigny-sur-Mer, commune du Calvados elle-même à quelques kilomètres de l’hippodrome de Carentan. Né en 1977, le jeune poulain dut, dès l’âge de 7 mois, vaincre pour la première fois, et dans un combat inattendu : il était malade, victime du tétanos. Pendant six mois, il ne put sortir du box. Mais la maladie ne l’a pas tué, et il en est ressorti plus fort : dès l’âge de 3 ans, Lutin d’Isigny remportait ses premiers succès, semblant presque transcendé par sa destinée, heureux de courir. Mais c’est surtout à partir de 5 ans qu’il a étoffé un palmarès, et de fort belle manière, avec le prix René Ballière, remporté donc en 1982, mais aussi en 1984, le prix de l’Etoile (1982), le prix d’Europe, ou encore le prix des Elites en Allemagne, ou la Copenhague Cup au Danemark. Un palmarès juteux, surtout quand on situe Lutin d’Isigny comme un contemporain (entre autres) de Lurabo ou Idéal du Gazeau, des adversaires plus que dur à battre ! A cela il faut ajouter 3 podiums consécutifs dans le grand critérium de vitesse de la Côte-d’Azur à Cagnes-sur-Mer (1983-84-85, 3e puis deux fois 2e), une deuxième place dans le prix de Paris en 1983 suivi d’une victoire dans cette même épreuve l’année suivante…
Mais attendez, je ne vous ai pas tout dit, voici le plus beau. Lutin d’Isigny a ainsi remporté, aux Etats-Unis et devant les meilleurs trotteurs américains, consécutivement le Roosevelt International (ou International Trot) et la Challenge Cup en 1984 mais aussi en 1985 ! Un exploit invraisemblable que ces quatre victoires, plus jamais réitéré ensuite par un trotteur français. Evidemment, avec un tel cursus « américain », le prix d’Amérique tendait sa coupe à Lutin d’Isigny, qui la décrocha en 1985 (voir la vidéo de cette course ici : http://www.youtube.com/watch?v=LBX0ova7nvs).
En tout, au terme d’une carrière riche dans tous les sens du terme, Lutin d’Isigny a accumulé plus de 11 millions de francs de gains, soit presque 2 millions d’euros, une somme astronomique pour l’époque. Par ailleurs son driver attitré, Jean-Paul André, a été (à 30 ans) le plus jeune lauréat tant du championnat du monde de trot aux Etats-Unis que du prix d’Amérique en France.
Après les courses, Lutin d’Isigny montra de belles dispositions d’étalon : on lui doit notamment Gazouillis, 2e du prix du Président de la République au trot monté et étalon réputé encore aujourd’hui, et surtout Général du Lupin, un hongre surdoué qui a remporté toutes les courses de prestige auxquelles il lui était permis de participer.
C’est d’ailleurs quelques jours après une victoire magnifique de Général du Lupin dans le prix d’Eté, en 2004, que Lutin d’Isigny devait décéder, laissant derrière lui bien des souvenirs.

Notre photo est issue du site http://travmuseet.com/index.php?page=l.